Merci Colette
Colette est une alchimiste.
Elle transforme la beauté brute, originelle de la nature (sa connaissance de la langue française dans ce qu'elle a de plus riche et poétique est son seul ustensile), en art (et j'aimerais que le mot "art" sonne ici comme le mot "or").
Elle crée dans mon esprit, avec quelques mots subtilement choisis, l'illusion parfaite d'une fleur, d'un insecte, l'odeur d'un pollen, la sensation de l'humidité, la saveur acide des groseilles.
Emporter Colette avec soi, c'est emporter tout un jardin d'Éden dans son sac de voyage.
"Le sommeil s'approche, me frôle et fuit... Je le vois ! Il est pareil à ce papillon de lourd velours que je poursuivais, dans le jardin enflammé d'iris... Tu te souviens ? Quelle lumière, quelle jeunesse impatiente exaltait toute cette journée !... Une brise acide et pressée jetait sur le soleil une fumée de nuages rapides, fanait en passant les feuilles trop tendres des tilleuls, et les fleurs du noyer tombaient en chenilles roussies sur nos cheveux, avec les fleurs des paulownias, d'un mauve pluvieux de ciel parisien...
Les pousses des cassis que tu froissais, l'oseille sauvage en rosace parmi le gazon, la menthe toute jeune, encore brune, la sauge duvetée comme une oreille de lièvre, tout débordait d'un suc énergique et poivré, dont je mêlais sur mes lèvres le goût d'alcool et de citronnelle..."
Colette, Les Vrilles de la vigne, Nuit Blanche
Photos prises en Haute-Savoie et Vercors.